Portrait aquatique, fibromyalgie et maladie invisible : le regard d’une photographe engagée artistique
Fibromyalgie, cette maladie invisible souvent tue révélée sous l’eau
La fibromyalgie entre dans la famille des maladies invisibles, parce qu’aucun examen biologique n’explique les douleurs qui irradient tout le corps. Pourtant, depuis 1992, l’Organisation mondiale de la santé la nomme maladie à part entière. En France elle concerne près de 2 % de la population. Elle s’accompagne d’une fatigue écrasante, d’un sommeil non réparateur, d’une hypersensibilité sensorielle et de cent symptômes annexes. Longtemps, elle resta dans l’ombre, car la souffrance qui ne se voit pas effraie. Notre société associe la valeur de la preuve au visible ; l’invisible dérange, il questionne, il met en porte-à-faux la logique cartésienne. Porter un regard d’artiste, engagé, sur la fibromyalgie donne un visage à ce qui semble impalpable.
De la reconnaissance tardive à la quête de visibilité
En août 2017, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie publia enfin une fiche descriptive sur la fibromyalgie. Le texte officialise l’existence du syndrome, éclaire médecins et patients, propose des pistes d’aménagement professionnel. Ce geste administratif, modeste en apparence, ouvre un champ des possibles : la maladie invisible sort du silence, les personnes touchées peuvent témoigner sans crainte d’être niées. Pourtant la route demeure longue. Les traitements restent essentiellement symptomatiques, l’entourage se sent souvent démuni, et les regards sceptiques persistent. C’est ici que la photographie engagée artistique intervient, elle renverse la table des préjugés, elle substitue l’image à la statistique, l’émotion à la suspicion.
L’eau, terrain paradoxal pour la personne fibromyalgique
L’eau porte le corps, déleste les articulations, mais son contact froid et la pression qu’elle exerce sur la peau peuvent déclencher des élancements. L’élément se fait à la fois allié et adversaire. Réaliser un portrait aquatique d’une patiente fibromyalgique relève donc d’un défi technique et humain : il faut maîtriser l’environnement, sécuriser les poses, prévoir la sortie rapide en cas de crise. Dans ce contexte, la démarche artistique transcende la simple esthétique ; elle devient un acte de confiance réciproque et un manifeste pour toutes les maladies invisibles mal comprises.
Rencontre avec Virginie, femme de lettres et combattante de la maladie
Virginie et moi nous sommes croisées pour la première fois en 2013 lors d’un mariage surprise, elle rayonnait malgré la douleur chronique déjà infiltrée dans ses gestes. Une amitié profonde naquit séance après séance : maternité, vie de famille, petits riens de leurs bonheurs quotidiens. Trois ans plus tard, Virginie écrivait Fibromyalgie, ce que vous voyez, ce que je ressens. Elle souhaitait des photographies qui rendraient justice à son témoignage. Lorsque l’idée d’une séance sous-marine germa, sa détermination m’émut ; affronter l’eau signifiait affronter le cœur même de sa souffrance, pour la magnifier.
Préparer la séance photo thérapeutique aquatique, une chorégraphie de soin
Avant d’effleurer la surface, nous avons organisé chaque tableau. Aurore, praticienne du bien-être, accompagna Virginie dans des exercices de respiration, d’ancrage, de visualisation positive. Mon rôle de photographe engagée artistique consistait à créer un cadre sécurisant où la vulnérabilité devenait force. Nous avons privilégié des prises courtes, des pauses régulières et un langage secret : un geste convenu suffisait pour remonter. L’intégralité du matériel fut testé plusieurs jours auparavant car aucune improvisation n’a sa place quand la santé entre en jeu. Ainsi préparée, Virginie aborda le bassin comme une scène dont elle serait l’héroïne et non la victime.
Scénographie symbolique : cordes, lumière, lenteur
La corde rouge qui enserre Virginie représente le filet invisible de la maladie. Dans l’eau, elle se resserre puis se délite, illustrant l’alternance d’angoisse et d’accalmie que connaît toute personne fibromyalgique. L’éclairage latéral ponctué de faisceaux obliques évoque les élancements fulgurants qui jaillissent sans prévenir. La lenteur volontaire de la pose rappelle la fatigue extrême qui ralentit chaque action quotidienne et que nul ne perçoit. Les images naissent alors au croisement du documentaire et du poème visuel.
Le moment de l’abandon
Au cœur de la séance, Virginie cesse la lutte. Ses muscles se relâchent, les cordes flottent autour d’elle comme des filaments d’algues enfin inoffensifs. Elle vit une suspension bienfaisante. Cette photographie aquatique devient l’icône d’une reconquête : puisque l’élément l’a blessée, elle l’apprivoise, elle s’y abandonne, elle y inscrit son souffle. L’appareil-photo enregistre ce silence intérieur, cette victoire intime.
L’image qui parle au corps
Lorsque Virginie découvre le tirage grand format, elle ne voit plus une malade, elle voit une guerrière. L’œuvre agit comme un miroir magnifiant ; elle légitime la douleur tout en rappelant la dignité. C’est le pouvoir de la photographie engagée : elle convertit le ressenti en représentation, elle autorise la parole, elle crée la solidarité.
Sens et techniques au service de la cause
Le caisson étanche, les focales courtes, la balance des blancs réglée sur les bleus profonds, chaque choix technique soutient la narration. La fibre artistique et la conscience sociale s’imbriquent. Je revendique cette posture de photographe engagée artistique depuis mes débuts ; l’appareil sert autant à composer des harmonies de formes qu’à défendre des convictions. Rendre la fibromyalgie visible, c’est aussi rappeler que toute maladie invisible mérite un espace d’expression, un discours de dignité, loin des caricatures.
Expositions, impact médiatique et écho collectif autour de notre projet sous-marin
Deux expositions lyonnaises en 2018, à l’Hôpital Saint-Luc–Saint-Joseph puis à la Bibliothèque Rockefeller, placèrent les portraits aquatiques au cœur d’un parcours pédagogique. Les visiteurs, soignants, familles ou patients, découvrirent l’histoire derrière la beauté des images. France 3 Rhône-Alpes diffusa un reportage, Le Progrès consacra une page entière au projet, de nombreux blogs santé relayèrent l’initiative. Chaque article citait la fibromyalgie, maladie invisible par excellence, et soulignait le rôle de la photographie engagée artistique dans la diffusion d’une information sensible, accessible, humanisée.
Une association qui tisse les regards
Au-delà des expositions, l’association Fibro Magie, rendre visible l’invisible coordonne conférences et ateliers créatifs. J’y anime des modules sur l’autoportrait comme outil de résilience. Les participants explorent la lumière, la couleur, la mise en scène comme autant de langages complémentaires à la parole. L’art devient passerelle entre le patient et l’entourage, entre le soignant et le vécu intime.
Pourquoi une photographe engagée artistique s’investit-elle ?
Créer, c’est déjà prendre position. En choisissant mes sujets, je choisis d’enrichir ou de questionner la conversation sociale. La fibromyalgie s’inscrit dans un champ de luttes plus vaste : celui de la reconnaissance des maladies invisibles, celui du droit à la nuance, celui de l’estime de soi quand le corps souffre. L’image subaquatique, inhabituelle, suscite la curiosité, ouvre la porte à un dialogue apaisé. Dans l’atelier, je témoigne d’une posture : l’artiste n’est pas seulement spectatrice, elle participe concrètement au changement des mentalités.
Amplifier les voix grâce à l’image underwater
Lorsque Virginie tient son livre entre les mains, la couverture la montre immergée dans la lumière, dégagée de ses liens. Cette couverture circule sur les réseaux sociaux, lors des salons du livre, des colloques médicaux. Chaque partage ajoute une goutte à l’océan de sensibilisation. Une photographie ne guérit pas, cependant elle agit comme catalyseur, elle rend audible le brouhaha intérieur des douleurs chroniques.
Conseils pour les personnes atteintes de fibromyalgie qui rêvent d’une séance photo
Une maladie invisible n’interdit pas la création d’un souvenir puissant. Il suffit d’adapter le rythme, la température de l’eau, la durée d’apnée. Choisissez un photographe engagée, prêt à écouter votre histoire. Dialogue préalable, repérage du lieu, répétitions à sec, autant d’étapes indispensables. Apportez une tenue légère, douce au toucher, évitez les fibres qui irritent. Préparez-vous physiquement avec des étirements doux, mentalement avec une visualisation où la douleur se transforme en énergie artistique.
Préparer son corps et son esprit à la séance photo aquatique thérapeutique
La veille, hydratez-vous, dormez davantage si possible, informez votre entourage pour libérer votre esprit des obligations. Emportez une boisson chaude à base de curcuma ou de gingembre, un peignoir épais, un compagnon de confiance. Enfin, rappelez-vous que vous dirigez la séance : crier stop reste votre droit inaliénable.
Vers un art plus inclusif
Le succès de la série Fibromyalgie, maladie invisible ouvre des portes : collaborations avec des chorégraphes, workshops auprès de groupes de parole, résidences d’artiste en milieu hospitalier. Je souhaite, demain, créer un triptyque associant son immersif, vidéo slow motion et photographie aquatique, afin de plonger le spectateur dans l’expérience périphérique de la douleur chronique. Chaque nouvelle étape confirme l’urgence : unir art et santé publique pour combattre l’isolement.
Invitation à rejoindre le mouvement
Vous êtes artiste, soignant, patient, curieux ? Rejoignez l’association, proposez un lieu d’exposition, partagez cet article. Ensemble, nous multiplierons les images qui parlent aux douleurs muettes. Car rendre la fibromyalgie visible, c’est servir la cause de toutes les maladies invisibles, c’est offrir une place à celles et ceux que la société regarde trop peu.
Conclusion, l’eau comme miroir des douleurs invisibles
Dans le silence liquide naissent des confidences inespérées. Le portrait aquatique de Virginie témoigne d’une force qui se construit dans la vulnérabilité. Il rappelle que la fibromyalgie, maladie invisible, existe, qu’elle mérite respect et représentations dignes. Il prouve aussi qu’une photographe engagée artistique peut, par son regard, transformer la douleur en éclat esthétique, ouvrir une brèche où la tendresse circule. L’art, ainsi, devient le premier soin.